Comment notre vie sans école a commencé

Nos 3 premiers, Québec, 2013


C'est au Canada que nous avons commencé à ne pas mettre nos enfants à l'école. Nous y avons résidé de 2006 à 2015 et y avons pondu 5 enfants. Je ne sais plus si nous avions déjà rencontré les familles qui nous ont inspirés, ou si nous avions déjà l'idée de déscolariser les enfants. Peut-être que tout s'est passé en même temps.
Notre aîné a fréquenté la maternelle (qui ne dure qu'un an, à partir de 5 ans) puis il a fait sa première année (CP) et a commencé la 2ème (CE1). Son petit frère a fait l'année de maternelle quand le grand faisait sa 2ème. Seul le petit frère a fini cette année-là.

C'était une école de village, tranquille, aux effectifs très raisonnables, aux professeurs hyper gentils (trop?), hyper pédagogues, jamais de cris sur les enfants, une grande cour avec des arbres... Enfin tout ce qu'il y a de plus classique pour une primaire au Québec !
Et nous, nous étions les Français ralleurs jamais contents, super exigeants et d'un niveau culturel plus élevé, et de surcroit pas très à l'aise avec certains pans de la culture américaine ! Cela prenait certainement des proportions inutilement grosses dans ma tête, mais comment changer !

Moi leur mère, je suis par hasard très à cheval sur la conjugaison, la prononciation, la grammaire, tout ça...  Enfin je suis à cheval sur à peu près tout. J'aime la précision, l'harmonie, la cohérence, l'intelligence, en un mot la perfection, bon vous l'aurez traduit : je suis une emmerdeuse... Et il est vite apparu qu'en entrant dans le système scolaire québecois, mon fils apprenait de travers (d'après mes critères !) et j'ai accusé le Québec entier!
😄 Ah si j'avais connu le système scolaire Français, j'aurais bien modéré mes critiques...

Autre point déterminant, grâce à mes parents, mes frères et sœurs, mes amis, j'étais déjà sensibilisée aux graves manquements de l'Éducation Nationale vis à vis des plus jeunes à l'occasion de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il était donc tout à fait prévu, et je l'ai fait, que nos enfants apprendraient à lire et écrire avant d'aller à l'école. Deuxième chose, comme la maternelle ne comportait au Québec qu'une année, la dernière, je proposais des tas d'activités "préscolaires" à  mes petits pour mettre toutes les chances de leur côté (et les occuper) et soigner leurs pré-requis.

Donc, avec l'excuse que nous retournerions bientôt en France et qu'il fallait que les enfants aient le niveau scolaire français, j'ai commencé à enseigner à mon grand, puis au suivant, avec des méthodes bien traditionnelles (et donc relou, je l'ai appris plus tard) et c'est comme ça que nous avons mis un pied dans le milieu. Et c'est là que nous avons rencontré, principalement grâce à notre paroisse, des tas de famille non-scho qui nous ont appris mille et une manières de pratiquer l'instruction en famille, et ce fut le passage dans un monde merveilleux de liberté, de découvertes, de perspectives différentes... Ce sera le sujet d'un autre billet !

Ce n'est plus le cas depuis cette année mais en 2015 au Québec il n'y avait pas d'inspection académique annuel. Les professeurs de l'école ont même trouvé notre choix assez chouette. Dans notre bout de campagne nous avons fait des sorties nature regroupant jusqu'à 70 personnes (incluant nouveaux-nés, papas, ados, enfants, mamans...) et aucun n'avait fait plus de 30mn de route ! Pour dire que c'est quelque chose de courant en Amérique du Nord. Ce n'est pas du tout le cas en France, alors que là-bas tout le monde connait plus ou moins une famille qui fait "l'école à la maison". Ça doit expliquer aussi pourquoi cette option nous est venue assez naturellement : étant nés parents au Québec (arrivés jeunes mariés en 2006) nous avions largement entendu parler de cette possibilité. Ce n'était pas marginal et incongru.

Et puis un beau jour, après 9 ans de vie québécoise, nous sommes rentrés. Les enfants et moi quelques mois avant leur papa. C'était en septembre, et après 2 mois d'errance chez parents ou beaux parents nous avons fait notre choix et posé nos valises dans le village natal de mon mari. Et là, "ça va pas être la même limonade" 😄. Bienvenue en France le pays des principes (oui, ceux qui me manquaient un temps, mais ils ne me manquaient plus) : sous la pression familiale les enfants ont été inscrits à l'école dudit village. L'aîné en CE2, le 2ème en CE1, le 3ème en CP.

Ce fut catastrophique. 

D'abord parce que les calendriers d'âge pour intégrer le CP ne sont pas les même ici et là-bas ! Donc numéros 2 et 3 furent mis dans les classes de leur âge selon les critères français, mais c'était un an d'avance par rapport aux calendriers canadiens !

Ensuite parce que mon numéro 3 n'avait jamais mis un pied dans une école, et il s'est retrouvé projeté dans un CP hyper classique avec une prof style années 50 qui crie et fait voler les cahiers. En plus c'est tombé sur mon plus agité, mon plus nature, mon plus innocent ! Quand j'y repense, pauvre chou...

Troisièmement, imaginez vite fait les grandes étendues canadiennes, les maisons américaines avec les jardins sans clôture, les lacs et les forêts, les américains qui s'excusent quand ils disent un gros mot devant les enfants, les mamans canadiennes/ américaines qui surprotègent leurs petits, cherchent toujours à négocier, ne pas les contrarier, mais aussi les laisse jouer dans le jardin du voisin avec les voisins parce que c'est comme ça là-bas... bon, nous on ne les a pas élevés comme ça, mais quand même vachement plus souplement que sur le vieux continent, et ceci dans un paysage immense où ils passaient la moitié de leurs journées à courir dans le bois ou les prés... Imaginez 4 petits mecs de 8 à 4 ans... libres, insouciants, avec leurs petites voitures dans un chemin en arrière d'un village... et mettez-les dans une école minuscule de 2 classes, avec pas d'arbres dans la cour, la cour intérieure entre les 4 murs de l'école, l'école dans 2 salles de la mairie, la mairie au milieu de la place du village, des grilles à chaque jardin, pas de gamin dans la rue, bref, vous avez saisi l'idée : une espèce de choc culturel difficile à avaler, pour eux comme pour moi.


Enfin d'un point de vue strictement scolaire, ce fut un vrai gâchis ! Le grand qui avait une jolie écriture soignée s'est mis à écrire comme un cancre. A son arrivée les maîtresses disaient qu'il avait le cahier le mieux tenu de la classe. Quelques mois plus tard ce n'était plus du tout le cas. Lui qui appréciait à peu près les petites leçons que je lui faisais à la maison s'est mis à faire des crises de refus abominables dès que je prononçais le mot devoirs. Mon deuxième qui est si lent et à si peu confiance en lui était en maternelle au Canada, on me l'a mis en CE1, en cours d'année il a régressé en CP. Génial ! Mon troisième a été balancé en CP, tiraillé entre la méthode de lecture qu'il avait commencée avec moi et celle de la maîtresse : il ne comprenait pas pourquoi il fallait apprendre par cœur certains mots sans les lire vraiment, il ne comprenait pas pourquoi il fallait rester assis, lui qui travaillait presque debout, il n'arrivait pas se taire de 9h à midi et de 13h30 à 15h45... Je pourrais en écrire des pages dans ce sens.

Ce fut également une catastrophe pour moi : je me suis sentie totalement dépouillée de mon job de mère. Je n'étais plus utile que pour les lever le matin, leur faire la tambouille rapido le midi, exécuter les devoirs stupides des maitresses dans la douleur et les larmes 2h/ soir, et surtout... surtout !!! m'entendre signifier mon incompétence par deux maitresses absolument sûres d'elles qui me parlaient comme si j'avais 8 ans et que je n'y connaissais rien. Oui oui, alors il y a des tas de maitresses formidables, et des parents chiants (dont je n'ai pas fait partie, non, j'ai fait profil bas, j'attendais de voir, j'observais, je réfléchissais...) mais ces deux-là m'ont vraiment parues comme d'affreux specimens, surtout la directrice.

On arrive au bout. Ce sont donc de belles raisons pour lesquelles, quand mon mari eut constaté les mêmes malaises, et pour une sombre histoire de film "obligatoire madame puisque vous avez signé la charte de laïcité", la directrice eut la joie de recevoir une lettre (et des fleurs ! oui oui !) portée par les enfants, pour annoncer en mai que nos 3 choux ne fréquenteraient plus l'école.

Fin ou plutôt début de l'histoire ! La suite au prochain épisode !
 


Arnaud, Maxence, Timothée, Grégoire, Québec, 2014

Commentaires

  1. Alix, je te connais par IG (comment suis-je arrivée sur ton compte il y a 2 ans, je ne sais pas !) et je suis ravie aujourd'hui de pouvoir te laisser un commentaire !!!!!! (je ne suis inscrite sur aucun réseau)
    je suis moi-même maman de 6 enfants (+ 2 au Ciel), instruisant en famille depuis quasi toujours (mon aînée a fait 3 mois de maternelle). Nos enfants ont à peu près les mêmes âges ( de 2008 à 2017 ici), catho (peut-être un peu moins tradi que vous ?), et plutôt "apprentissages autonomes" aussi, de plus en plus. Nous sommes dans le sud de la France.
    La différence, peut-être, c'est que nous n'aurons très probablement pas d'autre enfant (une autre différence : mon âge !!). Ah si, une autre différence : 2 filles pour 4 gars :-) (je rêverais d'une 3ème minette, j'avoue !).
    J'aimerais bien discuter avec toi, si tu le souhaites, de manière moins publique !
    Mathilde

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    Réponses
    1. Bonjour Mathilde ! Merci pour ton message. J'ai l'air catho tradi ? Tiens je ne pensais pas c'est rigolo ça. Alors en fait on est à fond apprentissages autonomes mais... pression des inspectrices ! Cela explique nos leçons. La prochaine naissance en explique aussi la cadence : on "torche" le programme avant Noël et ensuite on risque de faire du FREE FREE FREE pendant au moins 4 mois et ça, ça va être cool ! Moi je veux bien qu'on échange, tu commences et voici mon mail, comme ça tu ne mets pas le tien en ligne : alix@decarne.com.
      Les âges ici c'est mars 2007 à... janvier 2019 :-)
      Alors, "à bientôt de te relire" comme disent les anglais.
      Bien le bonjour en ce long week end !
      Alix

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